vendredi 24 juin 2016

Brexit, le crépuscule de la servitude

« Courageux et libre, le grand peuple britannique vient de se hisser à la hauteur de son histoire et d’administrer une formidable leçon de liberté aux autres peuples du continent.
En ce 24 juin au matin, une chose est sûre : l’Histoire vient de basculer.
Non seulement le Royaume-Uni va reprendre sa liberté mais tous les peuples d’Europe, les uns après les autres, vont désormais exiger d’avoir aussi la même possibilité.
En sortant leur pays de l’infâme piège tendu par Washington depuis 1951, les Britanniques viennent de rendre au monde un service comparable à celui de 1940.
En ce 24 juin 2016 au matin, la prétendue « construction européenne » vient de commencer son effondrement final. »



Résumé des épisodes précédents, ou Court Éloge du Royaume-Uni :
Comme l’a écrit avec lucidité le grand penseur libéral britannique, Lord Acton : « En toutes les époques, les amis sincères de la liberté ont été rares, et ses triomphes ont été dus à des minorités qui ont prévalu en s’associant à des auxiliaires dont les fins différaient souvent des leurs ; cette association, qui est toujours dangereuse, a parfois été désastreuse, en ce qu’elle a donné aux opposants des bases justes d’opposition. » (History of Freedom).
Il m’est donc impossible de ne pas déplorer le poids qu’a joué la peur de l’immigration dans le scrutin d’hier.
Peur d’autant moins raisonnée que l’immigration n’est pas un phénomène récent en Angleterre. Le nom même du pays (« la Terre des Angles ») renvoie aux invasions saxonnes, magistralement contées dans la Saga du Roi Arthur de Bernard Cornwell. Lesquelles invasions donnèrent naissance à un peuple où les influences celtiques et germaniques se mélangèrent, à l’instar de la France. Et peut-être est-ce en raison de cette similitude que ces deux nations furent si souvent aux prises [R1], de Guillaume le Conquérant à la lutte d’Indépendance nationale de Charles VII et Jeanne d’Arc.
Le Royaume-Uni, par intérêt ou par une vertu née de circonstances historiques précises, a eu depuis longtemps une tradition de défense de la liberté. Dès le 13ème siècle, la noblesse parvient à arracher au Roi d’Angleterre, la Magna Carta, lointain ancêtre des libertés modernes. Toujours soucieuse de rivaliser avec la France voisine, la monarchie britannique tenta, sans jamais y parvenir, d’imposer un système absolutiste. Le conflit entre le Trône et le Parlement culmina dans les guerres civiles du XVIIème et la dictature révolutionnaire de Cromwell.
C’est pour surmonter ces divisions politiques extrêmes que Thomas Hobbes élabora, dans le Léviathan (1651), sa célèbre doctrine de la souveraineté de l’Etat, né de l’association volontaire des individus, garant de leur sécurité privée, supérieur à toutes les Églises et seul habilité à produire et appliquer des lois.
C’est en faisant subir à la philosophie de Hobbes un retournement aussi magistral que celle qu’imagina Marx vis-à-vis de Hegel que le philosophe John Locke posa les bases du libéralisme. Le fondement du pouvoir étatique résidait toujours dans les individus (et non plus dans la volonté de Dieu ou de son représentant sur Terre), mais sa légitimité cesserait à l’instant où il manquerait à la protection des libertés individuelles. Désormais, et comme l’écrivait à la même époque Spinoza dans le Traité théologico-politique, l’Etat avait pour but la liberté.
C’est sur la base des principes lockéens, repris par les penseurs des Lumières (de Montesquieu et Voltaire et jusqu'à Tocqueville) que les représentants des colonies britanniques du Nouveau monde proclamèrent, au siècle suivant, que le « juste pouvoir » des gouvernements « émane du consentement des gouvernés » (Thomas Jefferson, Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique, 1776). La Monarchie britannique tenta de réprimer par la guerre les principes révolutionnaires de la démocratie libérale, en pure perte. Dirigés par des esprits conservateurs (William Pitt, Edmund Burke) elle échoua à endiguer les mêmes principes dans la France de la Révolution. Sur son propre sol, et tandis que le Royaume-Uni jouait sa liberté dans ses tentatives de contrecarrer l’hégémonie despotique de Napoléon, Thomas Paine éveillait dans le peuple la conscience des droits naturels de l’homme, contribuant à la naissance du mouvement ouvrier moderne, qui allait obtenir de haute lutte, au XIXème siècle, le suffrage universel masculin, bien avant les nations européennes plongées dans la réaction monarchique.
Lors de la Première guerre mondiale, le Royaume-Uni, toujours soucieux d’empêcher l’apparition d’une puissance hégémonique sur le continent, se tint au côté de la France, après que l’Allemagne lui ait déclaré la guerre en violant la neutralité de la Belgique. Et en 1940, lorsque l’Europe entière souffrait sous la botte du national-socialisme, Albion seule trouvait la force de s’opposer à l’infamie.
Je ne voudrais certes pas que l’on conclue de ce qui précède que l’histoire britannique fût une succession de pages glorieuses. Mais ce n’est sans doute pas un hasard si un moyen classique pour les étudiants de traiter le thème de la décolonisation consiste à opposer la violence de la Guerre d’Algérie au démantèlement prudent et négocié de l’Empire britannique (sans nier la dimension tragique de la partition des Indes).
Aussi le Royaume-Uni me semble aujourd’hui, comme le dit bien Asselineau, à la hauteur du meilleur de son histoire, en jetant à bas, tel Atlas, le fardeau d’une union politique nuisible aux idéaux démocratiques [R2] et libéraux. Son destin est désormais à nouveau entre ses seules mains.
Honneur au Premier ministre David Cameron, qui a eu la grandeur de préférer la démocratie à sa carrière ! [R3]
Honneur au sage et fier peuple britannique ! [R4]
Que vive le Royaume-Uni et que vive la liberté.

[Remarque 1] : On reconnait la forme mythologique des frères ennemis : « Le plus proche parent est le frère, c'est la plus forte identité de l'exogamie monogamique qui, en Occident, contraint à prendre un seul époux hors de la famille. La moindre différence doit porter la plus grande distance, l'antinomie radicale, le conflit le plus grave : ces frères sont ennemis. » (Michel Clouscard, Refondation progressiste face à la contre-révolution libérale, Éditions L'Harmattan, 2003).
[Remarque 2] : « L'Europe ne procède pas d'un mouvement démocratique. Elle procède d'une méthode que l'on pourrait définir du terme de despotisme éclairé. » -Tommaso Padoa-Schioppa, Les enseignements de l'aventure européenne, Commentaire, n°87, automne 1999.
[Remarque 3] : Qui a eu l’élégance de choisir de quitter le pouvoir, alors même que rien ne l’y obligeait, et que son propre camp l’invitait à ne pas le faire.
[Remarque 4] : Dont on ne peut pas souhaiter qu’il soit agité par une division nord-sud, même si la carte électorale laisseprésager un futur de scission.

1 commentaire:

  1. Vous avez choisi les ténèbres. Eh bien ! apprenez maintenant le goût de la peur. Apprenez maintenant le goût de la chute. Apprenez maintenant le goût de la mort.

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