jeudi 1 septembre 2016

Le gauchisme culturel, des origines au point d’implosion de l’idéologie dominante :

Pour comprendre la fin d’un cycle historique, et l’inévitable défaite du Parti socialiste aux prochaines élections…

« Le gauchisme culturel n’entend pas changer la société par la violence et la contrainte, mais « changer les mentalités » par les moyens de l’éducation, de la communication moderne et par la loi. Il n’en véhicule pas moins l’idée de rupture avec le Vieux Monde en étant persuadé qu’il est porteur de valeurs et de comportements correspondant à la fois au nouvel état de la société et à une certaine idée du Bien. Ce point aveugle de certitude lui confère son assurance et sa détermination par-delà ses déclarations d’ouverture, de dialogue et de concertation. Les idées et les arguments opposés à ses propres conceptions peuvent être vite réduits à des préjugés issus du Vieux Monde et/ou à des idées malsaines.

Le débat démocratique s’en trouve par là même perverti. Il se déroule en réalité sur une double scène ou, si l’on peut dire, avec un double fond qui truque la perspective: les idées et les arguments, pour importants qu’ils puissent paraître, ne changeront rien à la question abordée, l’essentiel se jouant à un autre niveau, celui des « préjugés, des stéréotypes ancrés dans l’inconscient collectif », comme le dit si bien la Convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif. Il s’agit alors de combattre ces préjugés et ces stéréotypes, en sachant que l’important se joue dans l’éducation des générations nouvelles plutôt que dans le dialogue et dans la confrontation avec les opposants considérés
comme des individus ancrés dans leurs préjugés inconscients.

Le gauchisme culturel peut même se montrer inquisiteur et justicier en traquant les mauvaises pensées et les mauvaises paroles, en n’hésitant pas à pratiquer la délation et la plainte en justice. À sa façon, sans qu’il s’en rende compte, il retrouve les catégories de faute ou de péché par pensée, par parole, voire par omission, qui faisaient les beaux jours des confessionnaux. Le gauchisme culturel est à la fois un modernisme affiché et un moralisme masqué qui répand le soupçon et la méfiance dans le champ intellectuel, dans les rapports sociaux et la vie privée.

Ce moralisme s’accompagne d’un pathos sentimental et victimaire où les mots « amour », « fraternité », « générosité » s’opposent emphatiquement à la « haine », à l’« égoïsme », à la « fermeture » dans des discours souvent d’une généralité confondante qui laissent l’interlocuteur pantois. L’expression de la subjectivité souffrante agit pareillement, elle paralyse le contradicteur délicat qui ne veut pas apparaître comme un « salaud ». Il faut savoir compatir, « écouter la souffrance » avant de «mettre des mots sur les maux». Le gauchisme culturel pratique ainsi constamment une sorte de chantage affectif et victimaire qui joue sur la mauvaise conscience et le sentiment de culpabilité. Il se veut le porte-parole des victimes de toutes les discriminations en exigeant réparation; c’est la voix des opprimés, des persécutés, des oubliés de l’histoire qui parle à travers sa voix. Que faire face à un interlocuteur qui se veut le représentant des descendants d’esclaves ? De quel droit peut-il se prévaloir d’un tel statut ?

De telles questions n’ont guère de chance d’être prises en considération, car le gauchisme culturel ne s’adresse pas à la raison. L’indignation lui tient souvent lieu de pensée et le pathos qui l’accompagne brouille la réflexion. L’affirmation d’idées générales et généreuses, les références emblématiques à la résistance et aux luttes héroïques du passé accompagnent son indignation et servent d’arguments d’autorité. La morale et les bons sentiments recouvrent souvent l’inculture et la bêtise, donnant lieu à de vastes synthèses éclectiques et des salmigondis. Mais à vrai dire, l’affirmation avec émotion et véhémence de ce que l’on ressent suffit dans bien des cas: il ne s’agit pas de convaincre avec des arguments mais de faire partager aux autres son émotion et ses sentiments, de les englober dans son « ressenti » comme pour mieux leur faire avaliser ses propres positions. L’ « essoreuse à idées médiatique » est particulièrement friande de ce genre d’émotions. Dans les débats publics, à la radio, sur les plateaux de télévision comme dans les dîners en ville, il ne s’agit pas de convaincre mais de gagner en jouant sur tous les registres à la fois. Tout interlocuteur qui refuse d’entrer dans ce cadre peut être considéré comme suspect ou comme un adversaire en puissance. Les doutes et les interrogations ne sont pas de mise; nulle faille apparente ne vient troubler le propos. Le gauchisme culturel s’est arrogé le magistère de la morale et cela lui suffit.

L’exigence morale de combattre le racisme, les exactions de l’extrême droite, les discriminations, pour justifiée qu’elle soit, n’a pas besoin de longues explications, et c’est précisément ce qui fait sa faiblesse. Réduisant ces maux à des pulsions individuelles plus ou moins conscientes, le gauchisme culturel ne s’attarde pas à l’analyse des conditions qui les ont rendus possibles, préférant réitérer indéfiniment ses appels à combattre le mal, en dénonçant publiquement ses auteurs et ses complices. Une telle posture a pu, par réaction, renforcer l’influence de l’extrême-droite auprès des couches populaires qui n’apprécient pas qu’on les traite de « beaufs », de « racistes » ou de « fachos » parce qu’ils sympathisent ou votent pour le Front national. Mais depuis des années, le scénario reste fondamentalement le même: déploration, indignation, dénonciation, appel à la mobilisation contre le racisme et le fascisme. Non seulement cela n’a pas empêché l’extrême droite de progresser, mais cela a contribué à la mettre un peu plus au centre de l’espace public.

De telles postures permettent également de mettre à distance les questions qui dérangent et de se réconforter dans l’entre-soi. Aborder les questions de la nation, de l’immigration, de l’islam, dont on sait qu’elles préoccupent beaucoup de nos concitoyens, suscite des réactions quasi pavloviennes qui empêchent tout examen et débat serein. Il est vrai que dans cette période de crise l’extrême droite sait jouer sur les peurs et les frustrations dans une logique de bouc-émissaire. Mais ce n’est pas la façon dont l’extrême-droite et une partie de la droite exploitent ces questions qui est ici en cause, mais la façon dont les questions elles-mêmes sont considérées comme taboues. Le fait même de dire qu’il s’agit de questions peut être considéré comme le signe que l’on est contaminé par des idées de l’extrême droite ou, au mieux, que l’on fait son jeu. Au nom de la lutte contre l’islamophobie, un glissement s’opère qui barre toute réflexion libre sur le rapport de l’islam à la modernité.



Idéologies émiettées et mentalité utopique.

Ces postures ne sont pas sans rappeler celles du passé qui s’ancraient alors dans de grandes idéologies et les utopies issues du XIXe siècle, et plus précisément du communisme. Ce rapprochement, qui saisit des traits bien réels et souligne à juste titre le danger que le gauchisme culturel fait peser sur la liberté d’opinion et sur le fonctionnement de la démocratie, n’en est pas moins trompeur.

Dans le cas du gauchisme culturel, l’ « idéologie » – pour autant que l’on puisse utiliser ce mot – est d’une nature particulière. Elle n’est pas « une » mais plurielle, composée de bouts de doctrines anciennes en décomposition (communisme, socialisme, anarchisme), mais aussi des idées issues des « mouvements sociaux » et des nouveaux groupes de pression communautaires (écologie, féminisme, mouvement étudiant et lycéen, associations antiracistes, groupes homosexuels…), voire des références aux « peuples premiers » et aux spiritualités exotiques, comme on l’a vu à propos de l’écologie. Elle n’est pas une « idéologie de granit » – pour reprendre une expression de Claude Lefort – fondée sur une science qui prétend englober sous sa coupe l’ensemble des sphères d’activité, même si l’on peut y trouver des relents de scientisme. Ses représentants, qui se montrent parfois sourds, intransigeants et d’un sectarisme à tout crin, ne sont pas pour autant de dangereux fanatiques exerçant la terreur sur leurs adversaires et dans la société. Ils ont parfois des allures de boy-scouts et leurs opposants ont souvent l’impression de « boxer contre des édredons ». Les représentants du gauchisme culturel ressembleraient plutôt à ce qu’on appelle des « faux gentils ». Ils affichent le sourire obligé de la communication tant qu’ils ne sont pas mis en question; ils se réclament de l’ouverture, de la tolérance, du débat démocratique, tout en en délimitant d’emblée le contenu et les acteurs légitimes.

En ce sens, la droite se trompe en parlant de nouveau « totalitarisme », même si l’on peut estimer que le gauchisme culturel en a quelques beaux restes. En réalité, ce dernier s’inscrit pleinement dans le contexte des « démocraties post-totalitaires »: il puise dans différentes idéologies du passé en décomposition qu’il recompose à sa manière et fait coexister sans souci de cohérence et d’unité, n’en gardant que des schèmes de pensée et de comportement. À ses pointes extrêmes, le gauchisme culturel combine la rage des sans-culottes et le sourire du dalaï-lama.

Sourire du dalaï-lame certes ; toujours est-il que certains ont des têtes de commissaires soviétiques...

Les utopies subissent un traitement semblable. Le gauchisme culturel véhicule bien un imaginaire qui retrouve nombre de traits anciens recyclés et adaptés à la nouvelle situation historique: ceux d’une société enfin débarrassée des scories du passé, réconciliée et devenue transparente à elle-même, d’un monde délivré du tragique de l’histoire, un monde sans frontières, sans haine, sans violence et sans guerre, pacifié et fraternel, mû par le souci de la planète, du plaisir et du bien-être de chacun. À l’échelle individuelle, cet imaginaire est celui d’un être indifférencié, un être sans dilemmes et sans
contradictions, débarrassé de ses pulsions agressives, bien dans sa tête et dans son corps, s’étant réconcilié avec lui-même, avec les autres et avec
la nature. Et, qui plus est, autonome et « citoyen actif » de la maternelle jusqu’à son dernier souffle, « citoyen du monde » et « écocitoyen ».

Cet imaginaire, pour utopique qu’il soit, s’articule en réalité aux évolutions problématiques des sociétés démocratiques européennes qui sont sorties de l’histoire et c’est précisément ce qui lui donne une consistance qui l’apparente à l’état du monde présent. Cette imbrication étroite de l’utopie et des évolutions problématiques de la société change sa nature. Il ne s’agit plus d’attendre la réalisation de l’utopie dans un futur indéterminé sur le modèle du socialisme utopique du XIXe siècle, pas plus que dans une fin de l’histoire articulée au devenir historique dont on détiendrait les clés. L’utopie se conjugue désormais au présent et prétend ne pas en être une. [...]

L’écologie est de ce point de vue particulièrement révélatrice du nouveau statut de l’utopie dans le monde d’aujourd’hui: si elle retrouve des accents prophétiques annonçant la fin possible du monde et son salut, elle appelle en même temps à mettre en œuvre dès à présent de multiples pratiques alternatives. Celles-ci doivent permettre à la fois de sauver la planète et d’incarner dès maintenant le nouveau monde. Il en va de même avec les « crèches expérimentales », les nouvelles pédagogies qui doivent rendre l’enfant autonome au plus tôt, voire les multiples outils qui permettent de résoudre les contradictions et les tensions. L’utopie est éclatée en de multiples « révolutions minuscules », des « utopies concrètes» (oxymore qui à sa façon traduit bien le statut nouveau de l’utopie au XXIe siècle), dont la mise en œuvre s’accompagne de «guides pratiques», de «boîtes à outils», de «kits pédagogiques» promus par des spécialistes patentés.




Aux origines du gauchisme culturel

Il est, en revanche, une utopie d’un genre particulier dont se réclame plus volontiers le gauchisme culturel: celle de mai 68 et des mouvements qui l’ont portée. Ce n’est pas l’événement historique « mai 68 » qui est ici en question: cet événement historique comme tel n’appartient à personne, il appartient à notre histoire, comme à celle de l’Europe et à de nombreux pays dans le monde. Cet événement iconoclaste à plusieurs facettes peut être globalement analysé comme un moment de basculement vers le nouveau monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, que nous le voulions ou non. En ce sens, l’idée selon laquelle il faudrait « liquider mai 68 » est absurde. En revanche, ce qui me paraît être avant tout en question, c’est ce que j’ai appelé son « héritage impossible » et c’est précisément dans cet héritage que le gauchisme culturel a pris naissance et s’est développé. Textes, discours, pratiques et comportements de l’époque constituent un creuset premier, chaotique et bouillonnant qui va se répandre sur de multiples fronts, se pacifier et finir par s’intégrer à la nouvelle culture des sociétés démocratiques. En mai 68 mai et dans le sillage de l’événement sont apparus de nouveaux thèmes portant sur la sexualité, l’éducation des enfants, la psychiatrie, la culture, qui sont venus interpeller les schémas de la lutte des classes et les idéologies de l’extrême gauche traditionnelle. Le gauchisme culturel naît précisément dans ce cadre et c’est lui qui va le premier déplacer l’axe central de la contestation vers les questions sociétales, à la manière de l’époque, c’est-à-dire de façon radicale et délibérément provocatrice. Il est ainsi devenu le vecteur d’une révolution culturelle qui a mis à mal l’orthodoxie des groupuscules d’extrême-gauche, avant de concerner l’ensemble de la gauche et de se répandre dans la société. Quand on étudie la littérature gauchiste de l’immédiat après-Mai, on est frappé de retrouver nombre de thèmes du gauchisme culturel d’aujourd’hui, mais, en même temps, ces derniers semblent bien mièvres et presque banalisés en regard de la rage dont faisaient preuve les révolutionnaires de l’époque. Leur remise en question radicale a concerné bien des domaines dont nous ne pouvons rendre compte dans le cadre limité de cet article 34. Mais il suffit d’évoquer ce qu’il en fut en matière de mœurs et de sexualité au début des années 1970 pour mieux cerner le fossé qui nous sépare du présent. Le désir était alors brandi comme une arme de subversion de l’ordre établi qui devait faire sauter tous les interdits, les tabous et les barrières. Il s’agissait de faire tomber tous les masques, en pourchassant les justifications et les refoulements au cœur même des discours les plus rationnels et les plus savants. Être « authentique », c’était oser, si l’on peut dire, regarder le désir en face et ne plus craindre d’exprimer en toute liberté le chaos que l’on porte en soi. C’est sans doute pour cette raison que sur le front du désir la classe ouvrière a pu apparaître muette à beaucoup.

Les religions juives et chrétiennes, la « morale bourgeoise », l’idéologie, le capitalisme réprimaient le désir, il s’agissait alors ouvertement de tout mettre à bas pour le libérer. Le mariage et la famille n’échappaient pas à un pareil traitement. Ils étaient considérés comme un dispositif central dans ce vaste système de répression, la cellule de base du système visant à castrer et à domestiquer le désir en le ramenant dans les credo de la normalité. Les lesbiennes et les gays revendiquaient clairement leur différence en n’épargnant pas les « hétéro-flics », la « virilité fasciste », le patriarcat. Il était alors totalement exclu de se marier et de rentrer dans le rang.

On peut mesurer les différences et le chemin parcouru depuis lors. Nous sommes passés d’une dynamique de transgression à une banalisation paradoxale qui entend jouer sur tous les plans à la fois: celui de la figure du contestataire de l’ordre établi, celui de la minorité opprimée, celui de la victime ayant des droits et exigeant de l’État qu’il satisfasse au plus vite ses revendications, celui du Républicain qui défend la valeur d’égalité, celui du bon père et de la bonne mère de famille…

Mais, en même temps, force est de constater que nombre de thèmes de l’époque font écho aux postures d’aujourd’hui. Il en est ainsi du culte des sentiments développé particulièrement au sein du MLF. Renversant la perspective du militantisme traditionnel, il s’agissait déjà de partir de soi, de son « vécu quotidien », de partager ce vécu avec d’autres et de le faire connaître publiquement. On soulignait déjà l’importance d’une parole au plus près des affects et des sentiments. Alors que l’éducation voulait apprendre à les dominer, il fallait au contraire ne plus craindre de se laisser porter par eux. Ils exprimaient une révolte à l’état brut et une vérité bien plus forte que celle qui s’exprime à travers la prédominance accordée à la raison. À l’inverse de l’idée selon laquelle il ne fallait pas mêler les sentiments personnels et la politique, il s’agissait tout au contraire de faire de la politique à partir des sentiments. Trois préceptes du MLF nous paraissent condenser le renversement qui s’opère dès cette période: «Le personnel est politique et le politique est personnel »; «Nous avons été dupés par l’idéologie dominante qui fait comme si “la vie publique” était gouvernée par d’autres principes que la “vie privée” »; «Dans nos groupes, partageons nos sentiments et rassemblons-les et voyons où ils nous mèneront. Ils nous mèneront aux idées puis à l’action ». Ces préceptes condensent une nouvelle façon de faire de la « politique » qui fera de nombreux adeptes.

Resterait à tracer la genèse de ce curieux destin du gauchisme culturel jusqu’à aujourd’hui, la perpétuation de certains de ses thèmes et leur transformation. L’analyse de l’ensemble du parcours reste à faire, mais cette dernière implique à notre sens la prise en compte du croisement qui s’est opéré entre ce gauchisme de première génération avec au moins trois grands courants: le christianisme de gauche, l’écologie politique et les droits de l’homme. C’est dans la rencontre avec ces courants que le gauchisme culturel s’est pacifié, pris un côté boy-scout et faussement gentillet, et qu’il s’est mis à revendiquer des droits. Mais c’est surtout dans les années 1980 que le gauchisme culturel va recevoir sa consécration définitive dans le champ politique, plus précisément au tournant des années 1983-1984, au moment où la gauche change de politique économique sans le dire clairement et entame la « modernisation ». Le gauchisme culturel va alors servir de substitut à la crise de sa doctrine et masquer un changement de politique économique mal assumé. À partir de ce moment, la gauche au pouvoir va intégrer l’héritage impossible de mai 68, faire du surf sur les évolutions dans tous les domaines, et apparaître clairement aux yeux de l’opinion comme étant à l’avant-garde dans le bouleversement des moeurs et de la « culture ». Nous ne sommes pas sortis de cette situation.

Au terme de ce parcours qui rend compte des glissements opérés par la gauche et de l’influence du gauchisme culturel en son sein, il nous paraît possible de poser sans détour ce qui n’est plus tout à fait une hypothèse: nous assistons à la fin d’un cycle historique dont les origines remontent au XIXe siècle; la gauche a atteint son point avancé de décomposition, elle est passée à autre chose tout en continuant de faire semblant qu’il n’en est rien; il n’est pas sûr qu’elle puisse s’en remettre. Le gauchisme culturel, qui est devenu hégémonique à gauche et dans la société, a été un vecteur de cette décomposition et son antilibéralisme intellectuel, pour ne pas dire sa bêtise, est un des principaux freins à son renouvellement. La gauche est-elle capable de rompre clairement avec lui ? Rien n’est certain étant donné la prégnance de ses postures et de ses schémas de pensée. [...]

Et pendant ce temps-là, la France continue de se morceler sous l’effet de multiples fractures sociales et culturelles. L’extrême droite espère bien en tirer profit en soufflant sur les braises, mais, à vrai dire, elle n’a pas grand-chose à faire, le gauchisme culturel continue de lui faciliter la tâche
. »
-Jean-Pierre Le Goff, Du gauchisme culturel et de ses avatars, Le Débat n° 176, septembre-octobre 2013, p.49-55.

2 commentaires:

  1. Ma foi, Houellebecq réglait déjà son compte au « gauchisme culturel » dans « Les Particules élémentaires » il y a vingt ans… C’est le terrain de chasse favori des intellectuels un peu rances genre Eric Zemmour ou Alain Finkielkraut, et il me semble que c’est une proie un peu facile, surtout que ceux qui l’attaquent ont rarement la cohérence de vouloir le retour de ce que le « gauchisme culturel » a chassé, à savoir le traditionalisme catholique. Que vous le vouliez ou non, ce « gauchisme culturel » est indissociable du libéralisme économique, la dérégulation des mœurs allant de pair avec la dérégulation économique (ce qui est la thèse du premier roman de Houellebecq, « Extension du domaine de la lutte ») (cf. Daniel Cohn-Bendit, qui est l’incarnation vivante de cette conjonction). Il me semble qu’il y a plus nocif dans le monde d’aujourd’hui ! Attaquer le « gauchisme culturel » pendant que Marine Le Pen impose ses thèmes à la nation et qu’un Nicolas Sarkozy phagocyte la droite républicaine, cela me semble un peu facile et un peu munichois comme attitude…

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    1. « Houellebecq réglait déjà son compte au « gauchisme culturel » dans « Les Particules élémentaires ». »

      Le phénomène décrit étant social et politique, il me semble évident que ne peut guère lui « régler son compte » à coup de romans. J’ai lu, comme vous le savez, le début des Particules élémentaires, qui m’est tombé des mains tant la forme comme le fond m’ont écœuré… Je ne crois pas du tout que Houellebecq soit un écrivain engagé, il me paraît au contraire avoir une grande complaisance (à peine implicite) avec les phénomènes qu’il décrit… Ce dont il vit depuis 20 ans, comme vous dites. Houellebecq est un écrivain décadent, il ne se soucie nie de dénoncer avec énergie, ni de prendre parti pour quelque chose. Il surfe sur la morosité ambiante en nous laissant entendre que tout est foutu. C’est la même ligne que Michel Onfray. C’est plutôt là que je verrais un esprit munichois

      « C’est le terrain de chasse favori des intellectuels un peu rances genre Eric Zemmour ou Alain Finkielkraut »

      Ceux-là me donnent plutôt l’impression d’attaquer la gauche dans ses diverses formes que le seul gauchisme culturel (expression qu’ils n’utilisent d’ailleurs pas). En outre Le Goff est un intellectuel de gauche (maoïste repenti), qui publie dans Marianne et Libération…

      « Ceux qui l’attaquent ont rarement la cohérence de vouloir le retour de ce que le « gauchisme culturel » a chassé, à savoir le traditionalisme catholique. »

      Vous faites erreur. Si l’on suit l’analyse de Le Goff, le gauchisme culturel est un produit dégradé des doctrines révolutionnaires de 68. Auparavant, la France n’était pas marquée par le traditionalisme catholique, mais par un républicanisme assez libéral (de 1880 à 1940), puis après-guerre, par le « gaullo-communisme ».

      « Ce « gauchisme culturel » est indissociable du libéralisme économique. »

      Absolument pas, et ce ne sont pas les envolées lyriques de Valls ou Hollande sur l’entreprise qui rendront leur gouvernance libérale dans les ACTES (mais j’y reviendrais lorsque le moment sera venu de faire un bilan du quinquennat). Vous ne trouverez d’ailleurs guère de liens entre les auteurs libéraux et les thématiques du gauchisme culturel. Lequel n’était d’ailleurs absolument pas présent, disons, dans l’Angleterre victorienne ou sous la IIIème République…

      « Il me semble qu’il y a plus nocif dans le monde d’aujourd’hui ! »

      Vous remarquerez que je n’ai pris la peine de mentionner le sujet qu’au moment où il me paraît en bonne position pour disparaître dans les oubliettes de l’Histoire…

      « Marine Le Pen impose ses thèmes à la nation »

      C’est fort discutable, et je persiste à ne pas lui voir un avenir électoral radieux, au moins à court terme. La fameuse « montée du FN » est un processus très lent, exagéré par le sensationnalisme des média. Et qui tiens beaucoup plus à la décomposition des autres forces politiques qu’à son dynamisme propre.

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