lundi 14 novembre 2016

Le souverainisme libéral




Le débat politique est devenu si sommaire dans notre pays que l’on feint d’opposer souverainisme et libéralisme alors que les deux doctrines sont complémentaires.


Chacune ne se suffit pas à elle-même et c’est pourquoi le souverainisme seul et le libéralisme seul ne constituent pas une offre politique viable pour nos concitoyens.
En effet, le souverainisme ne nous dit rien sur le régime interne de la Nation, ni sur ce que devrait être sa gestion économique, politique et sociale. L’Etat souverain est une proposition nécessaire mais non suffisante. Il peut en effet être indifféremment démocratique ou dictatorial, étatique ou libéral. Il faut apporter une réponse claire et précise aux électeurs, qui demandent légitimement : le souverainisme pour faire quelle politique ?
Le libéralisme, doctrine de la souveraineté de l’individu, ne nous dit rien sur le cadre de la société dans laquelle s’inscrit cette liberté individuelle, Etat mondial, régional, national ou absence d’Etat au bénéfice d’une structuration par des organisations fonctionnelles, internationales ou locales. Et les électeurs de demander légitimement : le libéralisme pour quelle société ?
Sur la majeure partie de son cours, le XXe siècle a conjugué pour les Etats une période d’expansion nationaliste et souvent d’impérialisme à l’extérieur et d’interventionnisme dirigiste à l’intérieur. D’où une confusion, purement conjoncturelle, entre souveraineté des Etats et politique étatistes. Sont victimes de cette confusion intellectuelle les souverainistes, qui ne jurent que par l’étatisation interne de l’économie et de la société et qui font du libéralisme et des marchés l’ennemi, et les libéraux qui ne voient dans l’Etat que le Léviathan qu’il faut abattre.
On confond ainsi une conjonction contingente de deux courants, nationalisme et étatisme, avec la nature profonde du souverainisme et du libéralisme qui ont su s’associer parfaitement, pour le plus grand bien des libertés et de la prospérité des nations, au XIXe siècle et dans les politiques conduites en France en 1958 et 1986.
Le nouveau millénaire s’ouvre sur deux tendances lourdes : d'une part, l’échec et la dissolution des empires construits artificiellement - et l’Europe fédérale connaîtra la même sanction si elle persiste dans son mépris des réalités nationales - et, d'autre part, la mondialisation des échanges et la fluidité des facteurs productifs qui conduisent les Etats comme les entreprises à se restructurer et à se concentrer sur leurs métiers fondamentaux. C’est ce formidable printemps des libertés que les politiques ont le devoir d’organiser pour éviter un divorce entre les peuples et leurs gouvernements.
Les souverainistes sont les défenseurs, à juste titre, de l’autorité de l’Etat. Une évidence doit s’imposer à nous : un Etat toujours plus vaste, omniprésent, se mêlant de tout, boulimique, n’est pas un Etat fort mais un Etat faible et pourtant contraignant. Il décourage les initiatives économiques, affaiblit le tissu d’entreprises et se condamne à effectuer des ponctions toujours plus lourdes sur le revenu national, ce qui étouffe un peu plus l’initiative dans une société assistée. Cet étatisme-là condamne l’idée souverainiste car il entraîne la nation vers la paupérisation matérielle et l’assèchement de ses capacités créatrices.
Les libéraux sont les défenseurs, à juste titre, des libertés individuelles. Une évidence doit s’imposer à nous : ces libertés ne peuvent s’épanouir que dans le cadre d’un Etat souverain qui, seul, en assure la caution démocratique par un contrôle politique partagé. On ne réussit pas une réforme libérale en remettant son sort à des organismes supranationaux dont l'efficacité est réduite et qui ne sont pas contrôlés démocratiquement par les intéressés eux-mêmes.
Une nation indépendante qui veut une économie prospère a besoin d’un Etat souverain, démocratiquement contrôlé et qui applique des politiques résolument libérales et sociales. Un Etat souverain a besoin d’une économie vigoureuse. Sa souveraineté consiste à faire des choix et à se concentrer sur les politiques prioritaires (éducation, sécurité, allégement des charges, politique démographique) au lieu de diluer ses actions dans des interventions de plus en plus nombreuses et de moins en moins efficaces.
C’est ce souverainisme libéral qui doit rendre à la France ses marges de manœuvre et son rayonnement international. Il correspond à l’offre politique qu’attendent les Français. Nous changeons de siècle et il faut oublier les formules dépassées du national-étatisme du XXe siècle.
Nous souhaitons rassembler tous ceux qui pensent que sans conjugaison du souverainisme et du libéralisme nous perdrions et notre liberté collective et notre liberté individuelle. L’alternative fédéralisme-étatisme n’est pas pertinente, il nous faut promouvoir l’autorité de l’Etat au service de l’initiative individuelle pour la grandeur de la France.
-Jean-Jacques Rosa & Pierre Monzani, Le souverainisme libéral, Le Figaro, 8-9 avril 2000.

Post-scriptum: Je ne mettrais que deux bémols à ce manifeste:
-Il fait usage, à la suite de Pierre Lemieux, du concept de "souveraineté de l'individu", lequel ne veut rien dire (il vaudrait mieux parler d'autonomie ou tout simplement de liberté). Et ceci en raison du fait que la souveraineté un caractère général, public, politique. Elle peut se rapporter à l'Etat, on parlera alors d'un Etat souverain, c'est-à-dire d'un Etat qui ne dépend que lui-même pour prendre ses propres décisions (à l'inverse d'une colonie, ou d'un Etat membre d'une Fédération, qui limite son champ d'action). La souveraineté peut aussi se rapporter à la Nation, elle exprime alors le caractère démocratique du régime, par opposition à une monarchie (la souveraineté n’est donc pas le Souverain).
-Ensuite, il est erroné de parler de politiques libérales pour la période 1958-1986.
On sait que la tentative de M. Rosa de libéraliser le parti de M. Dupont-Aignan a fait long feu, tout comme les efforts (quelque peu ambigüs) de ce dernier en direction du rétablissement de la souveraineté nationale sont demeurés inefficaces. Et pourtant. Sic itur ad astra.





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