vendredi 19 mai 2017

La fin des corporations, de Steven L. Kaplan

La fin du XVIIIème siècle s’accompagna en France d’un ensemble de transformations socio-économiques (amélioration de la productivité agricole menant à une diminution de la main d’œuvre nécessaire et à un exode rural), technologiques (Révolution industrielle) et juridiquo-politiques, qui conduisirent à la formation d’une économie de marché reposant sur l’égalité juridique des individus et l’essor de la condition salariale (ce que les marxistes nommeraient la naissance du capitalisme).
Ces transformations ont affecté réciproquement la sphère sociale et économique (l’infrastructure dans la terminologie marxiste) et les formes juridiques et politiques des rapports sociaux de production (la superstructure). On peut donc les étudier sous ces deux points de vue, et l’étude de Steven L. Kaplan entremêle ainsi histoire sociale, histoire économique et histoire politique. Les passages que j’ai relevé concerne surtout cette dernière, dans la mesure où la bataille qui survint dans le dernier tiers du 18ème siècle entre les libéraux favorables à l’abolition des corporations, et les partisans de son maintien (ou de sa modernisation sous l’égide de l’Etat) n’est pas sans évoquer les débats contemporains sur « l’ubérisation» de la société, la peur de la détérioration de la qualité des biens et services (obsolescence programmée) ou encore celle de l’inhumanité supposée d’une concurrence économique généralisée et dérégulée. Elle nous montre également que, quelques furent les résistances et les limites de l’introduction de la liberté économique en France, celle-ci n’est ni impossible à mettre en œuvre, ni nécessairement mal reçue par les classes populaires. C’est enfin l’occasion de se féliciter des victoires remportées par le mouvement libéral au Siècle des Lumières, dont l’heure de gloire fût sans conteste la proclamation de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen (déclaration dont les principes éminemment libéraux furent, ainsi que le montre Kaplan, extrêmement bien accueillis dans divers secteurs de la société moderne qui naquit en ce temps).
« Célébré jadis comme le rempart de la chose publique et le garant de l’intérêt général, prôné au XIXe siècle, par l’Église notamment, comme la troisième voie entre un capitalisme cruel et un socialisme étouffant, le corporatisme est aujourd’hui critiqué de tous côtés. Il entrave l’économie, il handicape le monde politique et, de façon plus subtile, la vie culturelle. Traditionnellement associé aux travailleurs urbains, il s’applique aussi désormais aux paysans partisans de la protection des prix et autres subventions de l’Etat, et le président d’Air Inter n’a pas hésité à parler de corporatisme pour stigmatiser le mouvement de ses pilotes grassement payés. » (p.IX)
« Le corporatisme a été une composante essentielle de la culture française. L’histoire des corporations, on l’oublie trop souvent, est en effet inséparable de la construction de l’Etat, de l’organisation de la société aussi bien que du développement économique. C’est au XVIIIème siècle, quand le modèle corporatif est dénoncé par les Lumières, que l’on comprend le mieux son emprise sur la société. En ce sens, cet ouvrage est aussi une relecture de toute l’histoire sociale et politique du XVIIIème siècle et de la crise de l’Ancien Régime. » (p.XII)
« En France, les premières véritables corporations apparaissent probablement aux XIe-XIIe siècles. Nées dans les villes, à l’initiative de l’élite marchande, elles ont été conçues pour protéger ses intérêts, moraux et matériels et ont procédé du mouvement communal. Ces associations, qui ont peu à peu réuni des commerçants et des artisans plus modestes, illustrent une tendance des sociétés de l’Europe occidentale à s’organiser en communautés, dans les sphères religieuse et politique tout autant qu’économique.
Beaucoup ont reçu une légitimation royale, d’autres étaient nées sous l’impulsion d’un seigneur, noble ou ecclésiastique. En échange des monopoles plus ou moins étendus que leur accordait leur protecteur, elles versaient des tributs en numéraire et en nature, remplissant notamment des fonctions de garde et de milice, et étaient chargées d’autres services publics, comme les inspections d’hygiène et les contrôles de qualité sur les matières premières qu’elles recevaient et les marchandises qu’elles produisaient. Ainsi ces institutions essayaient d’établir un équilibre entre leurs propres intérêts et leurs obligations civiques selon la vision chrétienne du monde qui dominait tous les aspects de la vie. Au Moyen Age, nombre d’entre elles avaient déjà une organisation hiérarchique : sous couvert de tutelle parentale, les maîtres exerçaient une autorité à la fois sociale, économique et morale sur leurs apprentis et bien souvent aussi sur leurs « valets » (les futurs compagnons). Les maître eux-mêmes étaient regroupé en plusieurs classes, selon leurs ancienneté ou leur clientélisme, et élisaient les jurés (ou « gardes du métier ») qui ne tardèrent pas à prendre les traits d’une oligarchie.
C’est à la demande de Saint Louis qu’Étienne Boileau, prévôt de Paris, a présidé à la rédaction du Livre des métiers, qui posait les règlements de plus d’une centaine de métiers. Une grande partie de cette réglementation devait sans doute rester en vigueur, dans la lettre ou dans l’esprit, jusqu’en 1791. » (p.XII)
« Au XVIIIe siècle, il existait des centaines de métiers et des milliers de corporations, chacune ayant ses particularités. Dans la seule ville de Paris, les estimations du nombre de maîtres, dispersés à travers plus de cent communautés, oscillent entre trente mille et quarante mille. Selon une extrapolation prudente, les contingents d’apprentis et de compagnons dépassaient largement les cent mille individus dans la capitale. » (p.XIII-XIV)
« Dans les derniers mois de 1790 et les premiers de 1791, la contestation ouvrière s’accéléra de façon spectaculaire, stimulée par une reprise économique qui donnait un coup d fouet à la volonté de résistance des compagnons. Le mouvement menaçait de déboucher sur une sorte de Grande Peur urbaine. Devant les heurts de plus en plus violents entre maîtres et groupements d’ouvriers persuadés que la Révolution était, ou devait être, nécessairement favorable aux petits plutôt qu’aux gros, l’Assemblée finit par trancher. Fin février-début mars 1791, elle vota la loi d’Allarde, qui abolissait les corporations. Elle mettait ainsi fin à l’incertitude concernant le droit au travail, mais sans résoudre la question de la régulation quotidienne du marché du travail. Puis, en juin de la même année, la loi Le Chapelier interdit toutes les associations, tant ouvrières que patronales, supprimant le droit supposé qu’avaient les compagnons de se réunir pour discuter et promouvoir leurs intérêts communs. Dans une société au sens propre dé-chaînée, puisque les liens corporatifs attachant les sujets/citoyens à leur principe étaient rompus, il ne restait plus que l’intérêt individuel et l’intérêt général incarné par l’Etat. » (p.XVI)
« S’inspirant d’une certaine conception de l’Ancien Régime, Vichy ressuscita les corporations de façon aussi éphémère que partielle et leur donna le coup de grâce dans la mémoire des Français. » (p.XVI)
« La critique des corporations se développa au cours du XVIIIème siècle, à mesure que le mouvement des Lumières concentrait son regard impitoyable sur les idéologies et les institutions incarnant l’oppression, l’illogisme, l’inefficacité et tout ce qui s’opposait à l’ordre naturel. […] Pour les libéraux des premiers temps, la loi naturelle faisait de la liberté d’action individuelle une entité inviolable et efficace, même si dans la pratique elle ne pouvait pas s’appliquer partout de façon universelle. A l’époque des Lumières, pourtant, il n’était pas aisé de compartimenter ses champs d’application : difficile de plaider pour la liberté de la presse sans réclamer en même temps la liberté du commerce des grains ou celle du travail. Dès lors, contester les corporations, c’était remettre en question la légitimé de tout le système de classification dont résultait la hiérarchie sociale, ancrée dans la politique et dans le droit, intériorisée dans la culture. S’en prendre aux corporations signifiait aussi attaquer toute une vision réglementaire très répandue, dont le démantèlement devait entraîner, entre autres, la naissance d’un marché plus ou moins libre de toute contrainte, au sens dynamique mais aussi corrosif où nous l’entendons aujourd’hui. » (p.7)
« Les critiques des corporations, depuis les remontrances sélectives des deux dernières décennies du XVIe siècle jusqu’aux attaques tous azimuts des libéraux dans le troisième quart du XVIIIe, fournirent à Turgot tous les arguments, tant pragmatiques que théoriques, qu’il aurait pu souhaiter pour justifier leur suppression.
Turgot mis a part, la politique gouvernementale en la matière fut à géométrie variable. Au mieux, elle apparaît extrêmement incohérente, tantôt épousant une position au détriment d’une autre, tantôt soutenant des attitudes plus ou moins contradictoires, mais toujours de manière défensive. De plus, et surtout après 1750, le ministère fut le terrain d’une lutte ininterrompue entre des libéraux qui ne cessaient de s’affirmer davantage, des conservateurs encore pleins de morgue (lesquels défendaient, on le comprend bien, les principes et les pratiques au sens large d’un ordre social directement menacé par le libéralisme) et enfin des pragmatiques qui sympathisaient avec les moyens des libéraux et la fin des conservateurs. D’où la pertinence bien limitée d’une stricte interprétation en termes de droite et de gauche (Necker, par exemple, prévoyait vaguement une troisième voie, entre le capitalisme qui désintégrait et le paternalisme qui paralysait). Le fait que l’Etat royal, sous les divers aspects qu’il présentait (ou voulait bien présenter) à la société, n’ait pas éprouvé le besoin de proclamer sa solidarité inconditionnelle avec la vision corporatiste laisse deviner tant la complexité des rapports entre l’Etat et la société (nullement unidimensionnels) que la faculté qu’avait l’Etat de louvoyer habilement et de prendre des risques (qu’on ne saurait sous-estimer). » (p.12-13)
« Au début des années 1750, la voix sans doute la plus influente du procès fait aux corporations, était aussi la plus discrète. Presque inconnu du grand public, Jacques Claude Vincent de Gournay exerça une énorme influence sur plusieurs générations de spécialistes de l’économie et de hauts fonctionnaires gouvernementaux. L’expérience qu’il acquit dans son double rôle d’homme d’affaires, puis d’inspecteur des manufactures, voyageant à travers toute la France, le convainquit que le « laissez faire, laissez passer » était le meilleur et même le seul moyen de maximiser les ressources matérielles et humaines de la nation. Il épousa en grande partie les opinions libérales associées à l’école physiocratique qui se cristallisa autour du docteur Quesnay, médecin de la Cour, vers le milieu de la décennie, et qui accueillit ensuite plusieurs membres importants de son cercle d’amis, notamment l’abbé Morellet. » (p.24)
« Il ne servait à rien de dicter avec précision la largueur et la longueur des pièces de drap, ni de surveiller la qualité des textiles ou de la plupart des autres marchandises au moyen de procédures envahissantes et pesantes. Gournay pressait l’Etat de laisser cette tâche au public, c’est-à-dire à la demande. […]
Pour Gournay, les corporations incarnaient la manie du règlement, ainsi que le désir utopique que nourrissait l’Etat de contrôler la gamme entière des activités sociales, outrepassant de très loin pour ce faire sa sphère naturelle. L’idée d’un système fermé lui était odieuse en sa qualité aussi bien de marchand que de philosophe. Sous de mauvais prétextes, un tel système bridait les initiatives, excluait certains individus, limitait les échanges et, à long terme, asphyxiait l’économie. » (p.25)
« Le système, quasi héréditaire, refusait la moindre ouverture à des cohortes d’hommes et de femmes à la fois talentueux et motivés. […]
Gournay trouvait chez les artisans de Hollande et d’Angleterre, où les corporations n’existaient pas, la même habileté et la même efficacité que Turgot et Adam Smith remarquaient dans les faubourgs libres de tout corporatisme de Paris et de Londres : preuve que les corporations étaient au mieux superflues. » (p.26)
« L’Encyclopédie employait des phrases qui auraient pu lui être empruntées [à Gournay], et continua de répéter et d’amplifier la thèse libérale dans ses éditions successives. Le portait positif que traçait l’Encyclopédie de l’Homo Faber n’infléchissait guère l’analyse qu’elle faisait du cauchemar corporatif. Tout au plus donnait-il une expression plus frappante au reproche coutumier : les corporations empêchaient des quantités d’hommes (et dans certains cas de femmes aussi) de faire s’épanouir librement et pleinement leur talent professionnel. » (p.27)
« La lutte contre l’ancien système de classification était menée par les philosophes et certains membres de la nouvelle élite, engendrée en partie par la montée du capitalisme. Exclus du pouvoir, se voyant refuser les sortes de gratifications sociales auxquelles ils pensaient avoir droit, ces groupes montèrent à l’assaut du gouvernement et du système taxinomique grâce auquel celui-ci réglementait la société. Ce qui m’intrigue, dans le cas que je vais étudier, c’est que le coup frappé contre le système officiel, vers le milieu des années 1770, vint des milieux gouvernementaux, asséné par son principal ministre, Anne Robert Jacques Turgot, fils d’une famille noble, administrateur chevronné et ami intime des philosophes « économiques » qu’on appelait physiocrates.
Aux yeux de Turgot, la société française était dans une large mesure gangrenée et paralysée parce que son organisation était mauvaise (c’est-à-dire incorrecte). Le modèle corporatif, inféré de la grande chaîne de l’existence, contrevenait aux lois de la nature, qui étaient antérieures à toutes les formes d’organisation sociale, et prêchait une vision de la nature humaine qui n’avait pas grand-chose à voir avec la véritable psychologie de l’homme. Parmi les mesures que prit Turgot pour réformer la société (au sens tout à fait littéral) figurait l’abolition des corporations. Il s’agissait des corporations au niveau le plus fondamental, sur lesquelles reposait tout l’édifice social. Ce qui était en jeu, comme le comprenaient fort bien les défenseurs les plus véhéments de l’ordre traditionnel, ce n’était pas seulement l’organisation du travail (si importante fût-elle), mais la légitimité et la viabilité du système tout entier de représentation sociale. L’édit d’abolition promulgué par Turgot fut considéré comme une espèce de carnavalisation des rapports sociaux, une invitation au chaos taxinomique, au désordre social et à la mutinerie politique. Je ne crois pas que Turgot lui-même ait jamais pleinement saisi tout ce qu’impliquait son projet qui, malgré la brève durée de son existence, fixa l’ordre du jour des révolutions de 1789, 1830 et 1848. » (p.78-79)
« [Turgot] obtint un décret royal interdisant les mémoires en faveur des corporations –geste qui n’était pas sans rappeler l’attitude autoritaire que son partisan, Voltaire, réservait à ses ennemis en priant à plusieurs reprises le lieutenant de police de prohiber leurs publications. Promulgué le 26 février, l’arrêt du Conseil reprochait aux avocats à qui l’on devait ces plaidoyers de les avoir fait publier sans autorisation, transgression désormais banale, sinon conventionnelle. » (p.80)
« Le spectre du métissage social, renforcé par les autres édits de février inclus dans la réforme libérale tentée par Turgot, notamment la loi qui transformait la corvée, déchaîna une vague d’inquiétude qui déferla bien au-delà des corporations. » (p.84)
« La perversion suprême, ou plutôt l’inversion suprême, la pleine mesure symbolique du carnaval de Turgot, c’était l’ascension, ou l’invasion, des Juifs : ces « étrangers », ces parias venus du dehors, qui cherchaient à s’immiscer partout ; cette « nation proscrite…que sa conduite, dans toute espèce de commerce, autorise à mépriser ou à craindre ». Les Juifs allaient s’élever jusqu’au sommet, puisque la « légitimité », « l’honneur » et le « patriotisme » ne comptaient plus. Ainsi, en accordant sa bénédiction aux « ennemis de Dieu », la mesure de Turgot était un authentique blasphème en même temps qu’un acte de vandalisme social. » (p.85)
« Il est révélateur de constater que là où Turgot écrivait liberté, les maîtres lisaient égalité. Fort de notre perspective de l’après-Tocqueville, nous sommes habitués à mettre l’accent sur la tension entre liberté et égalité plutôt que sur leur relation linéaire. Turgot, pour sa part, n’avait aucun intérêt à promouvoir l’égalité. Au contraire, il savait que la liberté aurait pour résultat l’inégalité […] L’inégalité qu’il ne pouvait accepter était précisément celle, normative et attributive, qu’engendrait et consolidait la taxinomie sociale des corporations. Turgot s’exprimait au nom d’un univers où les relations sociales étaient encastrées dans, et en grande mesure déterminées par, des rapports économiques ou de marché. La liberté était une loi de la nature, existant avant toute forme d’organisation sociale. Elle était inviolable. Elle appartenait à l’individu plutôt qu’à des groupes. Le rôle de l’Etat –on pouvait même penser que c’était son seul rôle légitime- était de s’assurer que tous les sujets exerceraient pleinement et entièrement leurs droits. » (p.85)
« Pour les communautés, la liberté signifiait l’égalité parce qu’elle attaquait les dispositions institutionnelles et légales qui perpétuaient une certaine sorte d’inégalité. » (p.86)
« Les compagnons, eux-aussi, comprenaient égalité quand on leur disait liberté : c’était la répudiation et le démantèlement de la structure sociale fondée sur la taxinomie corporative. Dès avant la promulgation officielle de l’édit, divers observateurs annoncèrent qu’ils étaient ivres de joie et enhardis. « Ils se regardent déjà égaux à leurs maîtres », notèrent amèrement les boulangers. » (p.86)
« Le spectre d’une concurrence illimitée et non réglementée horrifiait les corporations en termes non seulement économiques, mais aussi moraux et politiques. Par sa nature même, la concurrence ouverte était « perfide » parce qu’elle dressait les individus les uns contre les autres sans règlements pour structurer et atténuer les heurts des leurs intérêts contradictoires. » (p.92)
« Hardy, libraire et diariste, qui nourrissait de sérieuses réserves quant à la sagesse de l’abolition, nota que le « menu peuple » paraissait en proie à une violente fièvre de « joie ». Des compagnons boulangers et couvreurs allumèrent des feux de joie et des feux d’artifice. Des affiches proclamaient « Vive le roi et la liberté ! » sans s’inquiéter de savoir si les deux étaient compatibles. » (p.95)
« Dans un estaminet du Marais, un compagnon boulanger souffleta un agent de police qui voulait le forcer à retourner auprès du maître qu’il avait fui, afin de montrer son indépendance. » (p.96)
« Louis XVI renvoya Turgot en mai 1776. Engagé à fond dans un projet libéral audacieux et profond qui menaçait divers intérêts à presque tous les niveaux de la société française, le contrôleur général avait mobilisé contre sa personne une puissante coalition à qui le monarque fut incapable de résister. Les commentateurs des deux bords s’accordèrent implicitement à dire que ce n’était sûrement pas la dernière fois que la France devrait affronter un programme tel que celui de Turgot. Pour le moment, cependant, le carnaval avait pris fin, comme on s’y attendait : le monde à l’envers fut remis à l’endroit et les codes sociaux rituellement transgressés rentrèrent en vigueur. » (p.103)
« Aux tout premiers jours de ce qu’on appela ensuite la Révolution française, des signaux assez ambigus furent émis concernant l’avenir des corporations. On a peine à imaginer que les communautés parisiennes ne virent pas un bien mauvais augure dans la façon brutale dont elles furent écartées du processus électoral. Ce geste ouvrait un nouveau front, inattendu, dans l’attaque contre les institutions corporatives, renforçant par d’autres moyens la critique libérale toujours vivace qui accusait la galaxie corporative d’être un handicap économique et social. Pourtant les partisans des communautés eurent d’excellentes raisons de reprendre courage en lisant le contenu des cahiers. Ceux-ci ne répercutaient aucun écho généralisé de l’assaut libéral, ni ne réclamaient la suppression des corporations. Certes, les doléances dénonçaient certains abus –à l’occasion par la voix des corporations elles-mêmes- mais on souhaitait simplement opérer diverses réformes dans un système que l’on ne jugeait pas pourri jusqu’à la moelle. D’ailleurs, étant donné l’urgence de tant d’autres questions manifestement plus importantes sur lesquelles se penchait une grande partie de la nation, le sort des corporations ne sembla guère préoccuper ce qui passait pour l’opinion publique au cours des six ou huit premiers mois de 1789.
Néanmoins, à mesure que la Révolution montait en puissance, au cours de l’été, il devint de plus en plus difficile de protéger de tout examen un système qui structurait l’organisation sociale de la France dans son ordre quotidien. Par l’intensité immédiate de son impact, le mois d’août 1789 secoua le monde du travail corporatif avec plus de violence encore que le mois d’août 1776. Ce moment fatidique commença par la nuit célèbre, quoique ambiguë, du 4 au 5 août, marquée par la solennité théâtrale de l’abolition des privilèges. Il eut pour apogée la promulgation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui, tout en définissant des droits inespérés, regorgeait néanmoins d’incertitudes et d’ambiguïtés. Aux yeux de nombreux observateurs, chacun de ces soubresauts momentanés aurait dû suffire à lui seul à faire sombrer les corporations dans le néant. » (p.422)
« Pour les subalternes du monde du travail, cependant, il paraissait absolument inconcevable qu’une déclaration des droits libérant les hommes et les femmes de leurs chaînes et certifiant qu’ils possédaient toutes sortes de droits naturels ait pu les oublier. Ils furent nombreux à brandir le texte comme une authentique patente les habilitant à s’établir à leur compte sans la moindre autorisation des corporations et sans se soucier de ce qu’elles en pensaient. La Déclaration amplifiait le courant de mutinerie et de désordre contre lequel des multitudes de maîtres s’étaient déjà élevés dans le sillage de la nuit du 4 au 5 août : les ouvriers partaient sans préavis et sans certificat de congé ; ils ne faisaient plus enregistrer leurs entrées et sorties auprès du bureau de leur corporation ; ils désertaient en masse les boutiques afin de ruiner leur maître d’un coup ; certains rebelles avaient recours à l’intimidation et à la violence pour empêcher leurs camarades plus dociles de travailler normalement ; d’anciens compagnons, qui venaient d’ouvrir atelier ou boutique, volaient la clientèle de leur ex-maître. » (p.423)
« Alors que les ouvriers réclamaient la fin de l’exclusion et de l’oppression, au nom de la liberté et de l’égalité tout à la fois, les maîtres, eux, demandaient de façon pressante le maintien des anciens règlements, afin d’endiguer la marée montante du désordre. […] De la fin de 1789 à la fin de 1790, les maîtres ne cessèrent d’attirer l’attention sur les cabales des ouvriers (que l’on désignait désormais sous le nom infamant de coalitions), lesquelles engendraient des associations de type corporatif, semblables aux organisations subversives clandestines de l’Ancien Régime, dont elles n’étaient parfois, semblait-il, que des extensions ou des incarnations. Pour les ouvriers, aucun des droits révolutionnaires n’était aussi important que la liberté de s’assembler. Ils affirmaient leur nouveau sentiment d’individualité non seulement en quittant leurs maîtres et en s’établissant à leur compte, mais en agissant ouvertement de façon collective. » (p.424)
« La Déclaration ne tolérait aucun de ces corps ou associations intermédiaires dont le potentiel subversif et sclérosant inquiétait tant Rousseau. Elle stipulait en outre que la liberté était la force agissante de la nouvelle dynamique des relations sociales. Elle balayait la plupart des privilèges qui étaient parvenus à survivre à la nuit du 4 au 5 août, et elle instituait une importance mesure d’égalité civique. » (p.428)
« Citant la Déclaration, des ouvriers établis à leur compte à Saint-Quentin déclaraient que les lois invoquées par « les ci-devant corps et communautés d’arts et métiers » étaient « en contradiction avec les principes de liberté décrétés par l’Assemblée nationale ». A la fin de l’année, le Journal d’Etat et du Citoyen déduisait la fin de la tyrannie des corporation et du privilège de l’éthique de la concurrence –parmi les individus autonomes nantis des mêmes droits- éthique qu’il considérait comme le postulat socio-économique central de la Déclaration. » (p.429)
« Les ouvriers […] n’imaginaient nullement que les droits n’étaient pas accompagnés de devoirs. C’était pour eux une affaire d’orgueil et une condition sine qua non du processus de légitimation que d’insister autant sur ce qu’ils donnaient que sur ce qu’ils recevaient. Leur nouveau statut sous-entendait l’égalité du sacrifice tout autant que celle (légale) des chances. Les ouvriers étaient extrêmement sensibles aux accusations répétées affirmant qu’ils servaient leur propre intérêt plutôt que l’intérêt général. Vers la fin de 1789, les employés d’un arsenal et chantier naval narguèrent l’aristocrate qui commandait la place en brandissant la cocarde, ce qui était leur façon de montrer qu’ « avant d’être ouvriers, ils étoient citoyens ». Les ouvriers laissaient rarement passer une occasion de se présenter comme les serviteurs de la nation, de prêter avec effusion un serment civique, de donner de l’argent sous forme de contributions volontaires, d’envoyer des camarades subventionnés au front une fois que la guerre eut éclaté, et de s’en prendre aux ennemis de la patrie sur son propre sol. » (p.433)
« Des ouvriers, qui, pour diverses raisons, ne s’étaient pas installés à leur compte et n’étaient pas non plus partis travailler pour leurs anciens camarades, firent montre de leur souveraineté en réclamant, en échange de leur fidélité, des augmentations de salaire importantes et des changements dans leurs conditions de travail.
Déplorant la « désertion générale » des compagnons, les imprimeurs parisiens se plaignaient du fait que le nombre d’atelier étaient brusquement passé de 36 à 200, sans compter ceux qui n’étaient pas encore déclarés. » (p.435)
« Avec ou sans corporations, [certains] maîtres insistaient sur la nécessité pour l’ouvrier d’avoir toujours sur lui son livret, de solliciter auprès du maître un certificat écrit, après avoir donné avis de son départ en temps voulu, de fournir les certificats délivrés par ses précédents maîtres avant de prendre un nouvel emploi et de faire connaître par sa présence grâce à ses constants enregistrements auprès des autorités corporatives ou publiques, sous peine d’être chassé en tant que paria ou menace pour l’ordre public. » (p.444)
« L’agitation ouvrière très répandue eut pour point culminant, durant la première moitié de 1791, un mouvement social puissant, quoique extrêmement fragmentaire. Depuis les innombrables exemples d’affrontements individuels jusqu’aux nombreux heurts mettant en cause des groupes organisés, les prétendus « désordres » et « coalitions » menèrent l’Assemblée nationale, qui avait déjà fort à faire avec d’autres angoisses concernant les pressions démocratiques venant d’en bas, les menaces contre-révolutionnaires et des spasmes incessants de mécontentement rural, à passer la législation sévèrement répressive que l’on associe au nom de Le Chapelier. » (p.495)
« Après de longues et déchirantes hésitations, l’Assemblée nationale finit par agir, au début de 1791. Deux comités avaient été chargés d’étudier la question à partir de deux points de vue différents, quoique complémentaires. Comme cela se trouve, ni l’un, ni l’autre ne prit l’initiative, car ils se firent doubler par un troisième groupe, à vocation financière, qui présenta un projet de loi abolissant les corporations plus ou moins incidemment, dans le cadre d’une mesure fiscale complexe destinée à dédommager l’Etat pour avoir renoncé à divers impôts. En réalité, les enjeux socio-économiques et idéologiques étaient énormes, sans commune mesure avec la législation fiscale en question. Même si elle arriva un peu après la bataille, la destruction officielle de la plus vaste composante urbaine du système corporatif ne fut pas une mince affaire. C’était la revanche de Turgot. D’Allarde, le principal artisan de la nouvelle loi, justifia la suppression des corporations dans un langage emprunté au préambule radicalement libéral et individualiste dont le contrôleur général avait fait précéder son édit de février 1776. » (p.502)
« A partir du 1er avril 1791, la noble promesse révolutionnaire ouvrant toutes les carrières au talent, que n’avait pas suffisamment affichée la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, serait enfin réalisée pour le commun des mortels, en termes éminemment concrets : « Il sera libre à toute personne de faire tel négoce, ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon. » Quand même, il y a avait une condition, économique plutôt que politique ou morale (et ainsi légitime selon l’évangile d’égalité des libéraux) : le futur chef de petite entreprise devrait d’abord payer une taxe appelée patente et s’engager à « se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits ». Avec cette stipulation, l’Assemblée rejetait la confiance béate de d’Allarde, convaincu que la concurrence remplirait à elle seule la fonction réglementaire qui serait toujours nécessaire dans ce meilleur des mondes qu’était un marché plus ou moins sans entraves.
Outre qu’elle laissait à la législature toute la place voulue pour concevoir des règlements, cette clause ménageait –ou plutôt s’abstenait de combler- une zone d’incertitude qui allait empoisonner le monde du travail pendant bien des années. Car il n’était pas clairement stipulé quels règlements de police persistaient légalement, quels règlements « qui sont faits » survivaient effectivement à la suppression des corporations. Implicitement, cette clause rappelait à tout le monde, d’abord, que certaines lois de l’Ancien Régime étaient toujours en vigueur, soit parce qu’elles n’avaient pas été expressément abrogées, soit parce qu’elles faisaient partie du cadre habituel qui continuait de régir les façons de penser et d’agir quotidiennes qui leur insufflaient une vie nouvelle, fût-ce de façon très ambiguë. Cette clause laissait aussi entendre que la machine réglementaire, faite en grande partie de pièces héritées de l’Ancien Régime, mais lubrifiée par les pratiques du début de la Révolution, ne correspondait pas strictement au système corporatif. La chose aurait dû être dite, fût-ce de la voix la plus timide (Turgot regrettait de ne pas l’avoir fait explicitement dans son célèbre édit de 1776, et d’Allarde imita l’insouciance initiale du ministre-philosophe) : la fin des corporations ne signifiait nullement la fin des règlements, que l’on désignât la galaxie de règlements par le mot « police » ou par un quelconque euphémisme. » (p.518)
« Alors que Turgot avait insisté sur le fait que le travail hors corporation du faubourg Saint-Antoine était de la meilleure qualité, la liberté de ses artisans favorisant les intérêts des consommateurs, Marat, quand à lui, faisait écho à la réaction paniquée des maîtres boutonniers qui assuraient en 1776 que, sans la protection des règlements corporatifs, « tout Paris deviendra le faubourg Saint-Antoine », métaphore de l’apocalypse libérale. A mesure que l’esprit de « ces quartiers francs » infesterait le reste de la capitale –et la nation-, avertissait Marat, le bon travail, l’honnête émulation et la loyale concurrence disparaîtraient : « Je ne serois pas étonné que dans vingt ans, on ne trouvât pas un seul ouvrier à Paris qui sait faire un chapeau ou une paire de souliers ». L’Ami du peuple était bien d’accord avec L’Ami du roi pour affirmer que le déclin conjoint du savoir-faire et de la moralité conduirait infailliblement à la ruine de l’industrie et du commerce et pour finir saperait les fondements de l’Etat. » (p.525)
« Radical en 1789, champion du tiers état en tant que nation, cofondateur du précurseur du Club des Jacobins et pourfendeur de la modération, Isaac René Guy Le Chapelier dériva vers le centre droite avant même que la fuite du roi jusqu’à Varennes ne vînt puissamment renforcer ce mouvement ; il périt sous le couperet de la guillotine en 1794. A vrai dire, dès le début de 1790, il était perçu comme un adversaire des Jacobins. On peut penser que celui qui présida la séance de l’Assemblée nationale lors de la nuit du 4 août était le plus apte à prendre en main, près de deux ans après, certains des travaux majeurs restés inachevés en cette occasion. On ne sait pas clairement si son libéralisme –lequel avait été, plus tôt dans le siècle, aussi radical en tant qu’opinion sociopolitique que le fut sa position sur la souveraineté populaire aux premiers jours de la Révolution- découlait des mêmes convictions qui le poussèrent finalement à tenter d’empêcher la Révolution de se démocratiser davantage. Mais il est bien ardu de séparer la loi contre les associations regroupant des gens de même métier –devenue célèbre en tant que loi Le Chapelier [14 juin 1791]- des mesures datant des mois de mai précédent et septembre suivant, qu’il aida à rédiger afin de limiter les droits de pétition collective et d’assemblée politique. » (p.553)
« Composée de huit articles, la loi qui allait peser si lourdement sur la société française pendant une grande partie du XIXème était à la fois une affirmation laconique de l’objet central de Le Chapelier et une apologie contextuelle et doctrinaire fort complexe en sa faveur. […] La suppression des corporations n’était ni plus ni moins qu’un pilier de l’ordre nouveau, un « principe constitutionnel » dont la nature sacro-sainte était sapée par la récente prolifération d’associations diverses, agissant plus souvent au nom de compagnons qu’au nom des ex-maîtres, et se résumant presque à une tentative de « recréer les corporations anéanties ». Le Chapelier soutenait que cette renaissance était bien autre chose qu’une menace théorique. C’était non seulement l’ordre constitutionnel, mais aussi l’ordre social qui était en jeu. » (p.553)
« [Selon Le Chapelier] Les organisations comme celles des charpentiers n’étaient pas ce qu’elles prétendaient être (c’est-à-dire une espèce d’association d’aide mutuelle qui se consacrait à secourir les malades, sans emploi et autres malheureux). […] Elles étaient illégitimes et superflues, car, d’une part, de telles tâches menaient inéluctablement à la renaissance des corporations, puisqu’elles nécessitaient des formes organisationnelles plus ou moins complexes (officiers, règlements, réunions, procès-verbaux et ainsi de suite), et de l’autre, ces œuvres de bienfaisance étaient désormais l’apanage exclusif du gouvernement national, héritier naturel de tous les devoirs des corps intermédiaires d’antan. (L’endroit est mal choisi pour considérer le sérieux bémol que Le Chapelier mettait ainsi à son libéralisme, lequel a incité des historiens à parler diversement de son « individualisme étatiste », de sa centralisation du pouvoir à tendance jacobine, de son paternalisme à l’ancienne, de la façon nouvelle dont il épousait la cause des « droits sociaux », et de son affirmation de la « responsabilité assistancielle » de la nation. » (p.554)
« La seule différence entre l’esprit de l’Ancien Régime et l’ethos de la Révolution, sous ce rapport, c’était que ce dernier instituait une symétrie dans la prohibition, interdisant aussi bien aux employeurs qu’aux employés de s’organiser, et rendant ainsi un hommage quelque peu cynique au principe d’égalité. » (p.556)
« La loi citait tout spécialement les efforts collectifs visant à refuser le travail, actes déclarés anticonstitutionnels et « attentatoires à la liberté et à la déclaration des droits de l’homme, et de nul effet ». Les auteurs de tels actes –« chefs et instigateurs »- s’exposeraient à des amendes de 500 livres, à la suspension de tous leurs droits de citoyens actifs, et ne pourraient plus prendre part aux assemblées primaires (à Paris les sections) pendant un an. » (p.561)
« Se faisant le champion de l’histoire philosophique contre tous les types d’interprétation sociale, Marcel Gauchet déclare avec véhémence que « tous les intérêts de toutes les bourgeoisies du monde » ne pourraient jamais expliquer « l’esprit d’une loi Le Chapelier ». Il ne se donne pas la peine de développer cette thèse ; sa stratégie rhétorique interdit un examen attentif des documents pertinents ou même un semblant d’historicisation. Gauchet paraît beaucoup plus enclin à s’en prendre à Marx (le fameux « coup d’état bourgeois ») et à Sartre (la confiscation de la démocratie populaire) qu’au tout-venant des historiens. […] [Ce] qui est affirmé ici [dit-il] est l’égalité – « l’égalité par la loi », comme la comprenaient « les hommes de 89 » à qui il impute une cohérence et un cadre intellectuel et politique fixe que les historiens ordinaires auront beaucoup de mal à identifier : Marcel Gauchet, La Révolution des droits de l’homme (Paris, Gallimard, 1989), p.21-22. » (note 7 du Chapitre 15, p.715-717, p.716)
« La turbulence sur le marché du travail effrayait profondément Le Chapelier et ses amis, et elle intensifia la crainte de voir un trop-plein d’élan politique corrosif déborder jusque dans le monde du travail. « L’exploitation » n’était pas un objectif conscient, mais la subordination et la discipline, elles, l’étaient. » (note 7 du Chapitre 15, p.715-717, p.716)
[R1] : La loi Le Chapelier, dans un mélange bâtard d’individualisme « libéral » et d’autoritarisme étatique (la phobie des corps intermédiaires étant très présente chez Rousseau), plongea grèves et syndicalisation dans l’illégalisme pendant la majeure partie du 19ème siècle (la violence des luttes de classes durant celui-ci resterait incompréhensible s’y l’on négligeait le carcan liberticide qui a largement contraint la contestation sociale à des formes clandestines et insurrectionnelles). La liberté d’association, syndicale tout particulièrement, fût défendue par l’économiste libéral Frédéric Bastiat, avant d’être finalement reconnue par la Troisième République : « Des dizaines d’années avant l’apparition des premiers partis communistes et même des premiers théoriciens socialistes, ce sont les libéraux du XIXe siècle qui ont posée, avant tout le monde, ce que l’on appelait alors la « question sociale » et qui y ont répondu en élaborant plusieurs des lois fondatrices du droit social moderne. C’est le libéral François Guizot, ministre du roi Louis-Philippe qui, en 1841, fit voter la première loi destinée à limiter le travail des enfants dans les usines. C’est Frédéric Bastiat, cet économiste de génie que l’on qualifierait aujourd’hui d’ultralibéral forcené ou effréné, c’est lui qui, en 1849, député à l’Assemblée législative intervint, le premier dans notre histoire, pour énoncer et demander que l’on reconnaisse le principe du droit de grève. C’est le libéral Émile Ollivier qui, en 1864, convainquit l’empereur Napoléon III d’abolir le délit de coalition, ouvrant ainsi la voie au syndicalisme futur. C’est le libéral Pierre Waldeck-Rousseau qui, en 1884 fit voter la loi attribuant aux syndicats la personnalité civile. » (Jean-François Revel, La Grande parade. Essai sur la survie de l'utopie socialiste, 2000).

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